Un employé d’une agence de voyages spécialisée dans le trekking et la découverte des volcans d’Indonésie basée à Yogyakarta nous livre un témoignage de première main sur la situation depuis l’éruption du Merapi…
Je suis à Yogyakarta depuis le mois d’août au pied de ce fabuleux volcan, le Merapi. Quel le ne fut pas ma surprise en me réveillant le 25 octobre dernier au matin en ouvrant les rideaux de ma chambre et en constatant que le jardin était recouvert de cendres grisâtres. Cela m’a, en quelque sorte, rappelé les paysages dans les Alpes au début de l’hiver. J’allume aussitôt la télévision pour avoir des informations et je constate effectivement que le Merapi est entré en éruption.
Nous surveillions déjà le Merapi depuis le niveau d’alerte 3 ( 4 étant le maximum). Nous nous étions justement rendus au centre de volcanologie à Jogjakarta le mois précédent, pour établir un partenariat concernant les informations sur les volcans. Suite à cette première pluie de cendres, nous avons recouvert tous les appareils électroniques du bureau de draps, journaux afin de les protéger. Il faut savoir que cette cendre est infime et entre partout dans les maisons. Il faut absolument boucher toutes les aérations. A ce jour, nous en sommes au même point.
Je me suis déplacé jusqu'à Magelang où j’ai pu observer le paysage de désolation où toute la ville est grise, le poids de la cendre a fait plier les branches des cocotiers et fait écrouler certaines toitures en taule. Cela fait penser à un paysage de guerre où, tout au contraire de Yogya, Magelang n’a pas eu de pluies salvatrices pour nettoyer la ville. Lors des pluies sur Yogya, j’ai pu constater la couleur chocolat de l’eau qui sortait des gouttières durant presque 40 minutes ! La semaine qui a suivi, je me trouvais au bureau en fin d’après-midi et j’entendis un petit crépitement, curieux, je suis sorti pour constater que de petits graviers tombaient sur les feuilles des arbres dans le jardin. J’avais connu la grêle mais là…
La communauté française est régulièrement informée par Marie Le Sourd, directrice du Centre culturel français par sms, email et appels téléphoniques. Chapeau pour son travail, car elle est constamment sur le qui-vive et nous donne à la fois les précautions à suivre ainsi que les explications du phénomène que nous vivons tous ici.
Une autre conséquence désastreuse de l'éruption est la formation de lahar dingin : ces torrents charriant du sable et d'énormes pierres volcaniques vont dévaler les vallées du volcan lorsqu'il y aura des pluies violentes au sommet. Cette situation est d'autant plus grave que nous sommes dans une année la Nina et que la saison des pluies prévue sera très intense jusqu'à mai ou juin 2011.
Des centaines de maisons se trouvent près des rivières qui peuvent monter en très peu de temps et la vie des habitants est en danger pour une durée indéfinie. Peu d'informations précises circulent sur ces lahar et évidemment il y a peu de choses à recommander si ce n'est d'éviter ces lieux. Mais comment le faire ou le dire à des gens qui ont leur maison près des rivières ? Le risque est également grand car les lahar vont tout droit et peuvent sortir de la trajectoire des rivières en rasant tout sur leur passage. Le pire est à craindre sachant la masse de matières volcaniques crachées par le volcan depuis deux semaines. On parle de 150 millions de mètres cube contre 15 pour l'éruption de 2006.
La situation à ce jour est toujours dangereuse avec un niveau d'alerte 4 et un périmètre de sécurité, de plus en plus poreux, à 20 km près de Yogya, avec des changements pour le nord, l’est et l’ouest de la ville à 10 ou 15 km. Espérons qu'au moins le volcan se calme et ne soit pas réactivé par des secousses sismiques comme il y en a eu récemment et notamment le mercredi 13 novembre. Nous avons également la chance d'être bien épargnés des nuages de cendres jusqu'a présent et des brouillards denses de poussières. Les villes de Magelang et de Muntilan sont beaucoup plus touchées, certains n'ayant pas d'électricité pendant des journées entières.
L'atmosphère est donc toujours un peu étrange. On sent la présence du volcan sans la voir directement (quand ce dernier est recouvert de nuage) et en même temps, la vie continue. Les écoliers vont toujours à l’école et c'est aussi d'ailleurs déjà Noel dans les centres commerciaux...
Yann Larrere
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