La première vague payante du monde
Sous le titre « La première vague payante au monde », un surfeur nous fait part de son indignation devant la tentative du banjar qui gère la plage de Batubolong d’imposer un droit d’entrée pour accéder aux vagues. Un autre courrier en anglais sur le même sujet est sur notre site internet.
Une île à la dérive
La dérive touristique entamée depuis deux décennies sur l’île de Bali ne s’arrête pas, bien au contraire. Depuis hier matin sur la plage de Oldman-Batubolong située au sud de l’île de Bali, paradis des surfeurs, « un péage à vague » a été mis en place. Il y a encore deux jours, le parking coutait 1000 rupiah. Aujourd’hui, pour rentrer sur le site, vous devez désormais vous acquitter d’un droit d’entrée de 5000 rupiah pour garer votre véhicule et de 5000 autres rupiah si vous désirez « profiter des vagues », « menikmati ombak » en indonésien. Si vous arrivez à pied avec votre planche sous le bras, il vous en coûtera donc quand même 5000 rupiah. Prix qui ne varie pas encore selon la taille des vagues mais au rythme où vont les choses, on peut s’attendre au pire.
Morosité matinale
A l’origine de cette surprenante mesure, le banjar, entité traditionnelle de base à Bali qui règle les affaires de la communauté de quartier. Il est constitué d’un membre de chaque famille et d’un chef élu démocratiquement par les membres du village. Ce dernier pouvant être révoqué à tout moment. Généralement, les décisions sont prises en réunion mais vraisemblablement celle-ci a échappé à la règle comme en témoigne à demi-mot un des deux loueurs de planches, qui a instantanément subi de plein fouet les répercussions d’une telle mesure. La mine fermée, ce qui est très rare pour un Balinais lorsqu’il s’adresse à un touriste, il s’étonne non seulement que l’on puisse faire payer une vague mais également, et ce sans considération d’ordre éthique, que le prix ait décuplé. La vague de « Oldman » déroule, comme son nom l’indique, assez tranquillement. La location de planche, sur ce site accessible à tous les niveaux, fonctionne bien. Aujourd’hui, la fréquentation était réduite du tiers. Les surfeurs à l’eau qui ont payé la taxe sont également abasourdis par une telle mesure. S’il restait le tiers des surfeurs aujourd’hui, il risque de n’en rester que le quart demain.
Maladresse ou nouveau tournant ?
Les employés du péage ont également du mal à justifier une telle mesure. Les raisons avancées sont multiples, changeantes et parfois surprenantes. Ils évoquent parfois la prise en charge du coût du nettoyage de la plage, le fait de profiter de la vague comme d’un monument payant ou plus étonnant encore, un alignement commercial avec les vagues déjà payantes dans certains pays.
Que le banjar veuille ainsi profiter un peu de l’argent généré par le tourisme est une chose et personne ne peut vraiment lui en vouloir. Mais la recherche systématique du profit n’autorise pas à tout et n’importe quoi. Les côtes ont déjà été saccagées par les investisseurs et leurs hôtels, et la pollution est un problème catastrophique et irrésolu. Si l’état d’esprit balinais continuait à se dégrader comme son littoral, l’île prendrait vraiment un virage dangereux. Espérons seulement que cette idée maladroite ne fera pas d’émule, qu’elle sera vite oubliée et enterrée profondément sous le sable. La mer reviendra alors à ceux à qui elle appartient, c’est à dire à tout le monde.
Puis il nous fait part de la suite de l’histoire dans un deuxième courrier…
Réunion de crise
Heureusement, les mesures saugrenues ne sont pas toujours toutes définitives. Celle de faire payer pour avoir le droit de surfer en fait partie, en tout cas jusqu’à nouvel ordre. En effet, le mécontentement fut tel qu’une seule petite journée suffit à rendre la plage et le spot de surf de Batubolong quasiment déserts. Conscients du manque à gagner qui allait toucher le banjar lui-même, l’ensemble des vendeurs de souvenirs, les loueurs de planche et les petits restaurants, une réunion se tint précipitamment le vendredi 3 août au soir entre les membres de la communauté. La suspension du péage y fut votée.
Le banjar devrait se réunir dans la journée de lundi afin de procéder à un remaniement de cette mesure. Le tarif d’entrée sur le site devrait être revu à la baisse et l’explication commerciale de ce droit d’accès ne devrait plus reposer sur le droit de profiter des vagues mais sur d’autres points qui sont encore à définir. Mais si, le samedi 4 août, la barrière du péage était bien levée, le drapeau blanc, lui, n’était pas hissé par tout le monde. Les réactions des membres du banjar sont partagées. Quand l’un vous invite amicalement à la nouvelle réunion, l’autre, veste militaire sur le dos, vous demande avec un sourire forcé comment vous êtes au courant de cette information. Certains sont visiblement agacés de devoir faire marche arrière et le molosse tatoué qui surgit derrière moi en me tapotant l’épaule, était aussi, selon toute vraisemblance, de cet avis. Nous en saurons plus lundi ou mardi.
Mathieu Sechet
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