Un lecteur de Kalimantan fait appel à notre contributrice de la rubrique Education pour se forger une opinion sur la question des jeux en ligne dont ses enfants sont particulièrement friands…
Bonjour La Gazette de Bali, Je m’excuse d’abord. Je suis des Pays-Bas et mon français n’est pas 100%. J’espère que tout est compréhensible. J’essaye de toujours obtenir La Gazette, mon journal favori ici. J’ai une question à Lidia Olivieri. J’aime bien vos articles dans La Gazette de Bali. Aussi le dernier article sur la liberté des enfants. Quant à ça, je voudrais demander votre opinion sur un problème que nous rencontrons. Nous, deux gosses
(7 et 12 ans), ma femme indonésienne et moi de la Hollande, on vit dans la campagne à coté d’une grande ville à Kalimantan. Beaucoup d’espaces verts. On essaye de laisser les enfants très libres. Au début, ils jouaient encore avec les copains dehors mais de plus en plus de warnet s’ouvrent de plus en plus près et leurs copains y vont. Alors eux aussi.


Aujourd’hui, ils vont très, très souvent au warnet pour jouer à des jeux sur ordinateur. Même s’ils n’ont pas d’argent, ils y vont pour regarder les autres (ils ont de l’argent pour aller à l’école pour acheter quelque chose à boire ou à manger. On n’aime pas ça non plus à cause de la qualité de ce qui est vendu mais tous les copains le font alors... Ce n’est pas qu’ils n’ont pas d’ordinateur. On en a un chez nous spécialement pour eux. On écoute, regarde, chante, quant à moi, déjà suffisamment avec cet appareil. Ils ont aussi des bouquins mais l’ordinateur est en train de lentement manger tout leur temps (comme chez les adultes).

Mais le problème, c’est que les games sont beaucoup plus intéressant pour eux. Tuer, vous les connaissez, seru! Ils parlent de zombies, d’assassins, de Zorro, etc. On peut les empêcher d’y aller, mais pas tout le temps, on le fait déjà beaucoup (trop ?) avec tous ces dangers sucrés. Liberté ok, mais comment avec les dangers ? Merci d’avance pour votre réponse.

Hubert Neys.

 

La réponse de Lidia Olivieri…
 
Bonjour Hubert. Je tiens avant tout à vous remercier pour votre intérêt pour la Gazette. Quel plaisir de savoir que mes bafouilles sont lues jusqu’à Kalimantan, qui plus est par un lecteur hollandais francophone !

Vos enfants ont bien de la chance de vivre proches de la nature, ils ne le savent pas encore parce qu’ils pensent que c’est ainsi pour tous les enfants, mais un jour ils se rendront compte et se souviendront de leur enfance avec plaisir. Ce jour-là, ils vous remercieront. En ce qui concerne votre courrier, il y a une double dynamique dans cette attraction que les warnet ont sur vos enfants.

Il faut d’abord comprendre le contexte culturel dans lequel vos enfants grandissent. Les humains sont des êtres sociaux et vos enfants ont forcément envie d’être avec leurs copains. Je suppose qu’ils ont majoritairement des amis indonésiens. Je ne connais pas la vie et les habitudes des gens de Kalimantan, mais ici, à Bali, pour un adulte balinais qui a grandi dans les rizières que ses parents labouraient, être en contact avec la nature n’est pas forcément un must mais plutôt une fatalité que toute famille de paysans subissait jusqu’à il y a peu. Les warnet qui fleurissent représentent une des formes du progrès que cet adulte voudrait pouvoir offrir à ses enfants, comme les sodas, les chips, le scooter et le lecteur de DVD. Le nombre faisant la force, si la plupart des copains de vos enfants grandissent au sein de familles qui ne prônent pas le plaisir de courir dans les bois, il y a des chances qu’ils se retrouvent tous au warnet du coin à titiller les manettes. Expliquez donc clairement et inlassablement à vos enfants pourquoi vous aimez la nature, pourquoi la vue des arbres et des oiseaux vous rend heureux… Organisez des marches en famille dans la forêt, des pique-niques avec les copains. Ils continueront peut-être à aller retrouver leurs copains dans les warnet, mais ces moments de plaisir dans la nature auront un effet positif sur leur vision du monde.

Il faut considérer ensuite l’attraction quasi hypnotique exercée par les jeux vidéo sur nos enfants. J’ai lu il y a peu que les gadgets électroniques comme les Smartphones et les jeux vidéo excitent les neurones des mêmes régions du cerveau que la présence d’un être aimé !!! C’est vous dire ! Cette attraction est sans fin. Sans limites précises, les enfants et ados peuvent passer des heures et des heures devant leurs écrans, plongés dans un monde sans frontière précise entre la réalité et la fiction. Or, « le cerveau devient ce qu’il fait ». Les connections neuroniques les plus utilisées, à long terme, transforment la morphologie du cerveau. En d’autres termes, nous devenons ce que nous faisons le plus. Imaginez dans ces conditions, l’impact d’un jeu vidéo dans lequel votre enfant passe des heures à tuer pour obtenir en retour des femmes nues (je n’invente rien !)

Il est important de ne pas faire croire à vos enfants que leur désir de jouer à ces jeux est mauvais. Il faut plutôt leur apprendre à canaliser ce désir, à savoir le contrôler, à s’auto-discipliner. Dans un premier temps, il vous faut poser des limites : combien de fois par semaine ils ont le droit d’aller au warnet et combien de temps ils peuvent y rester. Ce, afin qu’ils puissent redécouvrir le plaisir de faire autre chose. Ensuite, discutez ensemble afin qu’ils puissent déterminer ce qui leur fait du bien et ce qui leur semble mauvais dans leurs habitudes (ce qui les énerve, les agite, les calme, leur donne du plaisir…) afin qu’ils apprennent peu à peu à cartographier leurs habitudes, à orienter leurs désirs et à faire des choix. J’ai assisté à un workshop de Sharon Maxwell, une psychologue américaine qui travaille essentiellement sur la façon d’aider nos enfants à vivre en accord avec les valeurs familiales malgré les nouvelles technologies, et elle avait terminé sa séance de travail avec une très belle phrase : « l’enfant est le jardinier de son propre cerveau. » A nous de lui donner les bons outils pour jardiner en toute sérénité.

J’espère Hubert que cette réponse vous apporte des solutions. Je vous souhaite une excellente année 2014, ainsi qu’à votre épouse et à vos deux bambins.

Lidia Olivieri

Aucun commentaire:

motard dans la cendre

motard dans la cendre
merapi novembre 2010

face sud du merapi

face sud du merapi
paysage de désolation après le passage des lahar