Un lecteur nous demande des clarifications sur les modalités d’achat, de location et d’exploitation de biens fonciers en Indonésie par des étrangers, au regard des dernières déclarations plutôt menaçantes des autorités indonésiennes, notamment sur le recours à un prête-nom, une méthode illégale. L’occasion de rappeler que La Gazette de Bali a toujours affirmé sans relâche dans ses colonnes que la propriété foncière était interdite aux étrangers en Indonésie et de demander à des professionnels, également annonceurs dans le journal, d’apporter leur éclairage sur ces différentes questions…
Bonjour. Il y a 4-5 ans vous aviez interviewé un avocat indonésien concernant les systèmes de « Hak Milik » et de « Nominee ». Ce spécialiste du droit confirmait ce que je pensais alors : tous ces contrats chez les notaires n’ont aucune valeur légale et n’ont pour seule utilité que de mettre noir sur blanc les promesses réciproques de 2 personnes honnêtes. Maintenant que le ministre des Affaires agraires semble étudier ce dossier, une enquête sur le sujet serait intéressante. Peut-être apporteriez-vous un autre son de cloche que ce qui se dit chez les promoteurs, agents et autres notaires, plus intéressés par le gain que par la protection des petits investisseurs. Il est vrai que vous risquez de vous mettre à dos certains de vos annonceurs. Mais c’est aussi l’occasion de revenir aux fondamentaux du fondateur de la LGdB : la protection de la veuve et de l’orphelin ; celle de Bali également. Les touristes qui lisent la LGdB, pris subitement par le rêve de posséder un bien immobilier, méritent cette information.
Dans un registre similaire ces mêmes touristes (ou expats) qui se mettent à louer leur bien à la nuitée. Que dit vraiment la loi indonésienne à ce sujet ? Les pouvoirs publics disent qu’il faut un « Pondok Wisata » et donc un IMB spécial ainsi qu’un « Izin Usaha ». Cela semble justifié pour des constructions à seule vocation locative, quid des maisons d’habitation louées ponctuellement ? En France, si le bien n’est pas loué plus de 3 mois par an, la seule obligation du propriétaire est de déclarer les revenus aux impôts ? La loi indonésienne est très souvent inspirée du droit européen. Il est ordonné d’acquérir un « izin pondok wisata », mais en même temps les pouvoirs publics ne veulent plus en délivrer. Voilà quelques pistes qui, je l’espère, vous intéresseront. Bien cordialement.
Denis
La réponse de la rédaction…
Bonjour Denis et merci pour votre courrier que j’ai fait suivre à nos annonceurs spécialistes de l’immobilier, deux d’entre eux ont répondu, vous lirez leurs réponses ci-dessous.
Pour ma part, je ne connais rien au droit immobilier mais je voudrais apporter mon point de vue sur les effets d’annonces des officiels indonésiens. Tout d’abord, je dirais que les officiels adorent prendre des positions très démagogiques qui flattent le nationalisme ambiant et qui sont très rarement suivies d’effets. La loi sur les PMA a été modifiée en 2007, rétroactive, si on changeait une virgule à quoi que ce soit, on tombait sous le coup des nouvelles dispositions. Dans les faits, il n’y avait pas de crainte à avoir. Ensuite, on a entendu régulièrement des coups de filet contre les propriétaires de villas, contre les travailleurs sans kitas, contre ci, contre ça… Une loi sur les couples mixtes dont le décret d’application n’a jamais été votée. Dernièrement, les visas on arrival gratuits pour les Européens et un diplôme de langue indonésienne obligatoire pour les travailleurs étrangers sont tombés à l’eau, mais la nouvelle avait eu le temps de faire le tour du monde et de semer la confusion dans les esprits.
Concernant cependant la revente de bien en freehold, on a souvent oublié de dire au « propriétaire étranger » qu’il fallait que le prête-nom assiste à la transaction. Et pour qu’il y assiste, il faut avoir maintenu de bons liens avec lui sinon il fera payer très cher sa présence.
Beaucoup de bruit pour rien qui pourrait se lire au pied de la lettre comme de l’amateurisme mais qui en fait est juste un mode de gouvernance d’effets de manche, pris dans la contradiction d’attirer les capitaux étrangers dans une communication en langue anglaise tout en confortant le bon peuple en bahasa indonesia sur le fait que tous les maux viennent de l’étranger. La pression contre les étrangers s’étoffe en ce moment, on a pu le constater aussi avec l’exécution de nombre d’entre eux pris dans des affaires de drogue alors que des Indonésiens qui avaient commis les mêmes infractions sont simplement condamnés à des peines de prison. Bien cordialement.
Socrate Georgiades
Les explications des professionnels…
« Crise du nominee » : Contrairement à ce que croient beaucoup de personnes rencontrées ces dernières semaines, la loi n’a pas changé. En Indonésie, la pleine propriété « freehold » n’a jamais été légale pour les étrangers. En tout cas, pas ces dernières décennies. La procédure du prête-nom, « nominee agreement », est un moyen de contourner la loi indonésienne. A Bali Immobilier, nous l’avons toujours présenté de la sorte à nos clients. En 10 ans d’activité, nous n’avons vendu qu’un seul bien en « freehold » (ne pas oublier les guillemets) à des étrangers et dans des conditions très particulières. Il y a 2 façons pour un particulier étranger d’investir dans l’immobilier à Bali en toute légalité : le leasehold (location longue durée) et le hak pakai (une variante du freehold avec des exigences particulières). Une société à capitaux étrangers type PMA peut aussi investir dans l’immobilier mais la procédure est complexe, onéreuse et n’aboutira pas de toute façon à un titre de pleine propriété pour étranger.
Un nouveau ministre a menacé de faire appliquer la loi et de partir en croisade contre les étrangers qui l’ont enfreinte ? Je ne sais pas si, ces quinze dernières années, il ne s’est pas passé un an sans qu’un article dans un journal reprenne une déclaration de tel ou tel officiel qui rappelait cette règle de base concernant le droit à la propriété et les étrangers, en promettant de sévir. La dernière déclaration en date sera-t-elle suivie de contrôles et de sanctions ? Si ça devait être le cas, il est clair que la façon dont le montage du « nominee agreement » a été fait et les relations que les acheteurs entretiennent avec les prête-noms et leurs descendants seront des éléments déterminants. Il est à noter qu’avec « l’ébruitement » des cas portés en justice, même s’il ne se passait rien de concret dans l’immédiat, dans un avenir plus éloigné, le nombre d’héritiers indonésiens voulant contester la validité de ces arrangements risque de croitre fortement.
« Crise du Pondok Wisata » : Jusqu’au 1er janvier 2014, les licences commerciales pour les villas (pondok wisata) et pour les hôtels étaient accordées quelle que soit la zone constructible : zone touristique (pariwisata), zone commerciale (perdagangan/jasa), zone résidentielle (perumahan/pemukiman), etc… Depuis le 1er janvier 2014, ces licences sont accordées uniquement dans la zone touristique. Celles-ci couvrent un secteur très limité dans la région de Seminyak-Kerobokan-Canggu. Beaucoup de villas destinées à la location saisonnière se trouvent désormais en dehors de cette zone et ne pourront pas obtenir la licence. La dernière nouveauté, c’est que même sans licence, ces villas peuvent désormais payer leurs taxes sur les locations.
Il faut être conscient des particularités indonésiennes lorsque vous souhaitez investir à Bali. Nous ne manquons jamais d’en faire part à nos clients avant toute transaction. Il est possible d’engranger de confortables bénéfices. En contrepartie, il faut savoir accepter les particularités du système indonésien et les risques qu’il comporte. Comme tout le monde devrait le savoir, dans tout investissement, il y a une part de risque. En général, plus les possibilités de profits sont élevées, plus les risques sont importants. Bali ne déroge pas à cette règle. Malgré cela, la grande majorité des personnes qui nous contactent franchissent le pas et investissent en toute connaissance de cause car ils estiment que le jeu en vaut la chandelle. On ne peut pas dire que, ces dernières années, les investisseurs qui ont bien réfléchi avant d’agir et qui se sont bien entourés se soient trompés au vu des résultats.
Rien ne dit que la réglementation ne changera pas de nouveau dans un futur plus ou moins proche. Les lois, mais surtout les interprétations, qui en seront faites par l’administration et leurs applications iront dans quel sens ? Nul ne le sait pour le moment. Y a-t-il un endroit dans le monde où les réglementations ne changent jamais ? Il y a peu de temps, en France, certains propriétaires ont eu de mauvaises surprises à cause d’une nouvelle loi sur l’immobilier. Pourtant la France est un pays où les perspectives de profit sont bien moindres. Est-ce que dans l’avenir, il sera devenu « normal » que les villas sans licence se « mettent en règle » en payant des taxes ou alors les licences seront-elles de nouveau disponibles pour tous ? La seule certitude, c’est que l’avenir nous le dira. Pour l’instant, c’est business « as usual. » Avec ses moments de doutes puis ses solutions. Ça se passe comme ça à Bali.
Benjamin, Bali Immobilier
Qu’il est agréable de ne pas se sentir seul dans des combats difficiles… Et pour cela, je vous remercie, Denis ! En effet, depuis nos débuts, nous avons toujours proclamé haut et fort que le Hak Milik (freehold) n’est absolument pas autorisé pour les étrangers (Warna Negara Asing). Ceci est stipulé clairement dans la loi n° 5 de 1960 connue sous le nom de « Loi agraire ». Dans ce texte, il est écrit (sans équivoque) que seul un citoyen indonésien (personne physique) peut obtenir une terre en pleine propriété et que le prête-nom est une pratique illégale. De même pour une personne morale (entreprise par exemple), il n’est pas possible d’obtenir l’accès à une propriété en Freehold mais il existe d’autres moyens légaux tels que Hak Sewa Menyewa ou Hak Guna Bangunan. Nous sommes prêts à conseiller toute personne souhaitant investir en Indonésie, et ce d’une façon professionnelle, aboutie et argumentée. Alors, cher Denis, non seulement, La Gazette de Bali ne vas pas se mettre à dos l’annonceur que je suis, car c’est pour cette raison précise que j’associe mon nom et mon entreprise à un mensuel sérieux qui dit les choses, mais aussi qui me permet d’avoir une tribune pour donner des informations importantes.
Cela fait 23 ans que j’habite et que je travaille sur Bali (et que je sillonne l’Indonésie). Je vais être bref et sans concession. Il y a 2 sortes
d’entrepreneurs : Les 1ers, les affairistes qui ne connaissent pas grand-chose à l’Indonésie, à sa langue, à sa culture, à ses traditions et à sa législation, qui font quelques coups et s’en vont au bout de quelques années (avec de nombreuses « casseroles » et des clients déçus à la clé). Les 2èmes, les vrais professionnels qui veulent s’inscrire dans la durée, qui ont un savoir et une éthique… Si j’ai un conseil à donner, ne jamais écouter « le vendeur » et ses belles paroles, mais contrôler le bien fondé, le savoir-faire et le professionnalisme de celui qui vous vend quelque chose !
d’entrepreneurs : Les 1ers, les affairistes qui ne connaissent pas grand-chose à l’Indonésie, à sa langue, à sa culture, à ses traditions et à sa législation, qui font quelques coups et s’en vont au bout de quelques années (avec de nombreuses « casseroles » et des clients déçus à la clé). Les 2èmes, les vrais professionnels qui veulent s’inscrire dans la durée, qui ont un savoir et une éthique… Si j’ai un conseil à donner, ne jamais écouter « le vendeur » et ses belles paroles, mais contrôler le bien fondé, le savoir-faire et le professionnalisme de celui qui vous vend quelque chose !
Concernant les personnes qui louent à la nuitée, en Indonésie, voilà ce que dit la législation du point de vue légal : toute personne qui obtient une rémunération suite à la location d’un bien immobilier doit avoir les permis et licences nécessaires, être enregistrée aux impôts et payer les taxes sur ces revenus. Cependant, dans la pratique, cela est très diffèrent, beaucoup de personnes louent leur bien sans le déclarer aux autorités compétentes. Les vérifications ne sont pas monnaie courante mais cela arrive tout de même et alors, le prix à payer sera « douloureux ».
En tant que lecteur, professionnel de l’immobilier et de la construction sur Bali, et annonceur sur la Gazette, je tiens à vous remercier de votre courrier et de l’impact positif que cela aura sur les potentiels acquéreurs d’un bien immobilier sur Bali ou sur l’Indonésie en général… Sachez que nous nous ferons un plaisir de répondre avec sérieux, pertinence et efficacité aux questions qui pourraient se poser sur le sujet !
Pierre Porte, Pierre Porte and Partners
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire