Pauvre Nancy à Bali,
Atterré en lisant le courrier de cette pauvre Nancy dans La Gazette de décembre qui, apparemment, n'a pas compris que sa façon à elle d’aborder la vie n’est pas universelle. Ou bien, elle n’est pas assez ouverte d’esprit pour être à ce point imperméable à ce qui fait que Bali est Bali et donc ce pourquoi elle est ici et non sur n’importe quelle autre île indonésienne ! A lire ses aberrations, j’imagine qu’elle n’a jamais elle-même participé aux cérémonies balinaises ! Je voudrais lui adresser ces quelques mots…
Nancy, tu sembles tout mélanger, et aurais bien besoin de chercher à comprendre un peu les intérêts des Balinais. Tu devrais comprendre que, même si ça te dépasse, effectivement, les Balinais travaillent pour pouvoir faire des cérémonies et que la vie ici, la vraie vie, c’est le temps passé ensemble en cérémonie. Le reste n’étant qu’accessoire, pour en fournir les raisons et les moyens d’existence. L’expression de la vie est ainsi faite, dans la gestion du sacré, de l’immatériel.
D’où sors tu chère Nancy ? Pour imaginer que, durant des siècles, les Balinais attendaient ta venue pour être libérés de leur magnifique identité culturelle source de leur vie ? Si Ketut (ndlr – la femme de ménage de Nancy) ne peut assumer seule ses tâches, et bien chère Nancy, engage une collègue de travail d’une autre famille afin qu’à elles deux, elles puissent assurer d’avantage d’heures de ménage à ton grand bénéfice.
Je suppose que le « budget-pembantu » n’est pas celui qui te ruine le plus dans ta vie balinaise. En général, le budget « petits plaisirs personnels » de nous autres, expatriés, est souvent cinquante fois supérieur. Le ménage des Balinais se fait avant tout, dans la tête, avec les cérémonies. Nancy, n’aurais-tu pas plus de ménage à faire que tu ne l’imagines ? As-tu déjà rencontré un autre peuple montrant autant de bien-être ? Cela transpire dans la société balinaise même pour le plus candide de nos visiteurs occidentaux ! A quoi cela est-il dû, à ton avis, Nancy ? Au temps que passent les Balinais près de nous autres ? Ou au temps qu’ils passent entre eux au temple, ou les uns chez les autres pour célébrer ce qui fait que la vie est la vie ?
Tu as parfaitement le droit de ne pas comprendre. Ca ne tombe pas du ciel ! Seulement, essaye de relativiser et de comparer, avec de bonnes valeurs, ce qui est comparable. Sans compter les bienfaits de l’économie engendrée par cette vie traditionnelle (des dizaines de millier d’emplois). La façon de vivre des Balinais n’a rien à envier à celle des Occidentaux. Le problème est toujours de vivre au-dessus de ses moyens, ici comme ailleurs. Et les cérémonies que l’on s’offre sont en relation avec son niveau de vie. Les Occidentaux, souvent, n’ont plus une minute à consacrer au sacré et à l’équilibre de leur vie, car ils travaillent trop pour consommer des objets futiles et éphémères dans le but de satisfaire leur ego.
Prendre les gens pour des cons, ça ne mène généralement pas à une bonne coexistence et je te rappelle, chère Nancy, que les Balinais sont ici chez eux, pas toi ! Le problème est grave ! La remise en question de l’identité balinaise de la pauvre Ketut lui est bien plus préjudiciable que le coût en temps et en argent que nécessite cette façon de vivre. Elle ne sera jamais de ta famille, elle a déjà une famille et une société à laquelle elle appartient, car elle en est issue et que c’est de son identité même dont il s’agit. Elle est avant tout balinaise et non la pembantu de Nancy !
Et, si sa famille tombe sur ce courrier que tu as adressé à La Gazette de Bali, elle ne viendra plus travailler chez toi car, pour les Balinais, perdre son identité culturelle, c’est mourir ! L’identité culturelle ici est à l’origine de tout. Sans ça, pas de Bali, pas d’artisans, pas de travail. L’important, c’est d’être satisfait, que se soit en remplissant sa bibliothèque de livres très chers ou en allant partager avec ses semblables une cérémonie traditionnelle. La richesse personnelle n’a que le prix qu’on lui accorde. Les Balinais ne sont pas des idiots qui attendent notre lumière pour aborder la vie comme il faut !
Je suis exaspéré par cette façon de penser des expats. Colonisateurs qui prétendent avoir les clefs d’un savoir-vivre en apportant parfois la consommation d’alcool, de drogues, de pratiques sexuelles perverties, comme étant les fruits d’une vie plus agréable. Bref, pas de leçon à donner aux Balinais et surtout, pas en ce qui concerne la tradition. Peut-être même, avons nous beaucoup à apprendre d’eux, sans qu’ils se permettent de nous le faire remarquer. A ta disposition, Nancy, pour parler de tout cela !
Pak Made Marcel
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