l'histoire de la ceinture verte

Sous le titre « L’histoire de la ceinture verte », notre ancien contributeur Rainer nous compte par le menu une malencontreuse rencontre nocturne avec un reptile de bonne taille et son dénouement heureux et sans violence pour tous les protagonistes.

Ceci est une histoire à 100% vraie. Une nuit, ma femme se lève pour satisfaire un besoin naturel. Comme elle connaît la maison par cœur, elle n’a pas besoin de chausser ses lunettes, même si sa myopie lui fait miroiter les objets de façon légèrement déformée et qu’elle évolue dans un monde plus fantastique que réel. Ainsi handicapé, les yeux embués par le sommeil, ses pieds nus frôlent le carrelage lisse dont la lune fait faiblement luire l’uniformité beige. Quand elle aperçoit une ceinture qui traîne par terre, elle se fait la remarque judicieuse : « C’est bizarre, je n’ai pas de ceinture verte ! » Juste à ce moment-là, la ceinture se met à bouger ce qui engendre la prochaine réflexion ingénieuse : « Je n’ai pas de ceinture qui bouge ! »

Frappée par la cruelle évidence qu’aucune ceinture serait capable de se tortiller devant ses pieds, des souvenirs d’enfance lui reviennent à l’esprit. Née et élevée à la campagne balinaise, elle a souvent côtoyé des serpents, lors de rencontres les unes plus désagréables que les autres. Ce qui ne la rend pas plus aguerrie pour autant. Au contraire, depuis cette époque-là, elle garde une peur bleue de tout ce qui rampe par terre. Réaction normale : elle me réveille. Bien que je ne sois qu’à cinq mètres du lieu du crime, j’arrive juste à temps pour voir une queue verte disparaître sous ma bibliothèque. Une queue d’une belle épaisseur d’ailleurs, disons celle d’une saucisse. Non pas d’une merguez, plutôt celle d’un boudin. (Et nous sommes des spécialistes !)

Bien, résumons : il est deux plombes du mat et nous avons un serpent vert dans notre chambre à coucher. Il faut savoir que les Balinais ont une frousse carabinée des serpents verts, bien que Ron Lilley affirme que sur les 35 espèces de serpents présents à Bali, il n’y en ait que cinq de venimeuses (cf. La Gazette de Bali n°42 – novembre 2008). Encore faudrait-il les reconnaître… J’avais eu connaissance d’un service qui promettait d’enlever gratuitement des reptiles 24/24h. Je retrouve les coordonnées de la « Bali Reptile Rescue » et, légèrement gênés, car entretemps il est 2h30, nous téléphonons. Vingt minutes plus tard, Peter et Shinta arrivent et se font expliquer la situation. Munis d’une longue tige métallique, l’extrémité courbée en crochet, ils regardent derrière les rideaux, sous les lits et sous les armoires.

Ma crainte, c’est d’avoir appelé pour rien, si la bête s’est déjà échappée par les fenêtres de derrière. C’est là que Peter, petit Anglo-Saxon barbu et sympathique, finit par dénicher l’intrus enroulé derrière mes livres, à quelques centimètres de l’endroit où il avait disparu de notre vue. Il s’écrie : « Oh, what a beauty! », comme s’il en était tombé amoureux. Mais certainement faut-il être amoureux des serpents pour avoir créé cette organisation à fonds privés (Les dons sont les bienvenus !) et pour avoir envie de se lever plusieurs fois par semaine en pleine nuit pour de telles expéditions. Il la tient en l’air, la regarde de tous les côtés, et n’arrête pas de répéter comme elle est belle : « Such a nice specimen of a white-lipped green pit viper .» En effet, c’est une vipère arboricole de presque un mètre qui semble trop grosse pour que nos chats aient envie de l’affronter. Peter nous montre les crocs impressionnants : longs de plus d’un centimètre, ils peuvent traverser n’importe quels gants de cuir. A ma question, Peter m’explique le sort des animaux qu’il capture. Les agriculteurs sont très demandeurs de serpents non-venimeux pour exterminer les rongeurs. Tandis que les venimeux sont relâchés au fin fond de la forêt du parc national. Si Peter n’avait pas une tête inspirant une confiance sans limites, j’aurais parié en entendant son cri joie devant l’excellente constitution de la bête, qu’il se faisait un bon paquet de fric en les vendant au restaurant « King Cobra » de Kuta.

Ainsi se termine l’histoire de la ceinture verte. Ma femme insiste pour dire qu’elle m’a sauvé la vie (si jamais tu avais voulu saisir un de tes livres…) Moi, j’estime avoir sauvé la sienne en faisant venir si promptement la cavalerie à la rescousse. En fin de compte, c’est certainement ce couple hors normes qui nous a sauvé… au moins d’une nuit blanche. Rainer Bali Reptile Rescue tél. : 0812 46 67 21 90 (anglais) 0821 46 38 02 70 (bahasa) http://breptile-rescue.blogspot.com

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motard dans la cendre

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merapi novembre 2010

face sud du merapi

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paysage de désolation après le passage des lahar