La vie semble si belle quand on se réveille face à la baie que le soleil inonde de ses premiers rayons ! Le bain de lumière sur l’ensemble de la maison me rappelle la beauté du dégel sous nos latitudes. Les feuillages en contre-jour présentent un contraste éblouissant de noirs intenses et de lumières clinquantes. Pas de programme dans l’instant, comme un souffle inhabituel pour moi dans le rythme des choses à faire. La « jam karet », temps élastique de Bali a à nouveau conquis mon esprit et me libère de cette sensation d’être dépassé par les événements avec laquelle je vis en Occident.
Avant hier, j’ai accompagné mon amie danseuse à une cérémonie de « pencaru » dans un village à 140 kilomètres d’ici. Le poids des sept heures de route nécessaires pour s’y rendre et en revenir n’a eu aucune importance et n’a pas rivalisé avec l’incroyable intensité de l’événement. Pas plus que les heures de patience une fois sur place pour attendre que trois « pedenda » (grands prêtres ) procèdent aux rituels. Ils incarnèrent les forces de Bouddha, de Vishnou et Shiva, afin que l’humain, les forces créatrices et le changement trouvent leur places et rétablissent un ordre apaisant. Leur intervention, liant les forces nécessaires aux offrandes et sacrifices que la communauté concernée avait réalisé la veille aura, après quelques heures, transformé les forces dérangeantes en les projetant dans un passé révolu et fait disparaître enfin les effet négatifs d’un désordre installé et bien regrettable.
Une journée inoubliable qui m’a encore apporté beaucoup pour avancer dans la compréhension de cette incroyable culture. La beauté des rituels, l’ambiance sonore inondant l’atmosphère, puis l’intervention finale des masques, auront été le support des symboles investissant ma conscience. Réceptif à quelques-un de ces symboles, j’ai pris conscience encore une fois d’une infime partie de cette logique qui rétablit l’équilibre entre les mondes du visible et de l’invisible et qui, finalement, a eu raison du problème. L’atmosphère dans le village a manifestement changé entre le moment de notre arrivée et celui de notre départ. Partis au lever du jour, on rentrera au coucher du soleil. A l’aller comme au retour, la route nous offre l’incroyable spectacle inanimé, mais envoûtant, du volcan Agung qui trône sur le paysage avec une présence comparable à l’immensité de l’océan qui lui fait face.
La route qui longe la côte traverse le lieu où en 1963 le feu du volcan a rejoint l’eau de la mer. L’atmosphère présente, 45 ans après, est encore imprégnée des forces alors mises en jeu. Peut-être pour rétablir un équilibre que l’humain ne pouvait rétablir seul, la nature a dû prendre en main sans ménagement le contrôle des équilibres. La planète nous réserve sans doute de nombreuses occasions de nous rappeler les forces de la nature et de nous faire réfléchir sur ce que nous sommes vraiment. Des occasions de nous faire prendre conscience de notre capacité parfois mal utilisée de joindre les mondes visible et invisible, de vivre en harmonie avec notre environnement, avant de le transformer en un monde qui nous échappe et qu’on finit par ne plus maîtriser. Souvent après avoir été trop convaincu du contraire ! Ces peuples que l’on ignore trop souvent ont peut-être beaucoup à nous apprendre, ou à nous réapprendre, pour que l’on retrouve des valeurs essentielles à une vie où règnent paix et sérénité. Apprenons à les écouter, acceptons qu’il existe d’autres langages pour les comprendre, au lieu de perdre une énergie incroyable à essayer de les convaincre que notre langage est universel. L’ouverture d’esprit n’est pas un amoncellement de connaissances et d’objets, mais la prise de conscience de leur sens profond. Bali est une des fenêtres ouvertes sur le monde de l’invisible où les Occidentaux ont parfois l’impression de voir un monde à l’envers. S’ils daignent parfois utiliser le miroir de leur conscience pour rétablir le sens de la lecture de ce langage, ils peuvent réaliser qu’ils ne sont pas seulement face au monde qu’ils ont devant les yeux, mais également sur l’axe où peut exister un équilibre avec ce qu’ils ont aussi derrière les yeux : leur « conscience ». Les forces incroyables de l’ego se trouvent compensées par celles de cet équilibre et laisse la place à une harmonie avec une incroyable sensation de bien être. Om, santhi, santhi, santhi Om.
M.D Marcel
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