Une analyse de la rédaction sur l’affaire Amokrane Sabet en préambule de vos nombreuses réactions sur la page Facebook du journal…
Nous avons été sollicités par plusieurs de nos lecteurs pour enquêter sur l’enchainement de faits qui a conduit à la mort de l’officier de police A.A Putu Sudiarta et du Franco-algérien Amokrane Sabet lors de son arrestation le 2 mai dernier. Nous voudrions présenter une fois encore toutes nos condoléances à la famille du brigadier balinais qui a perdu la vie et laissé derrière lui une famille avec deux enfants.
L’affaire est très sensible parce qu’elle suscite beaucoup d’interrogations. Et pour ceux de nos lecteurs qui ne sont que de passage ici, rappelons au préalable quelques données : les droits humains ne sont pas très respectés en Indonésie, ni ceux des minorités ethniques, religieuses, sexuelles, ni ceux des fous qu’on enchaine dans les arrière-cours, ni ceux des voleurs de mobylettes à qui on tire dans les jambes et même les droits des consommateurs (rappelons-nous cette jeune maman qui se plaignait sur les réseaux sociaux d’un hôpital où elle avait été mal soignée, elle s’était retrouvée en prison pour diffamation) ; les Indonésiens ont horreur du désordre social et montrent une tolérance zéro pour la délinquance ; la liberté de la presse n’est pas aussi étendue qu’en Occident (un journaliste qui avait enquêté sur un scandale de corruption à Bali qui touchait au frère d’un bupati s’était retrouvé avec une balle dans la tête il y a 10 ans) ; et enfin, rappelons que nous sommes étrangers ici, tolérés, et que nos hôtes sont prêts à entendre certaines vérités de leurs pairs mais pas de notre part.
Ceci étant posé, par éthique journalistique, nous ne pouvions pas écrire un article sur l’affaire Amokrane Sabet parce que nous n’avons pas accès à des sources fiables. En revanche, nous nous autorisons ce long préambule aux échanges qui ont eu lieu sur notre page Facebook et qui témoignent bien que cette affaire nous a tous touchés au plus profond de nos peurs et de nos convictions.
Grâce à une personne qui a bien voulu témoigner incognito, voici les éléments que nous pouvons avancer, sans faire de victimisation, pour éclairer un peu mieux la personnalité de celui que certains surnommaient le « fou du village ».
Amokrane Sabet est arrivé il y a environ trois ans à Bali en provenance de Londres où il s’était fait un nom dans la pratique du MMA (Mixed Martial Arts) puis avait possédé un pub. Il est né en France, de double nationalité algérienne et française et est parti assez jeune s’expatrier en Angleterre. Il semble avoir été très affecté par la mort de son père en 2007 et lors de son arrivée à Bali, il a confié à notre témoin que tout ce qu’il faisait lui était dicté par son père. Il parlait déjà beaucoup de dieu. Petit à petit à Bali, il s’est transformé. Sa voix a changé de timbre (était-ce lié à la prise de stéroïdes pour le culturisme?), il s’est fait tatouer partout sur le corps, y compris un éclair qui lui barrait l’œil et s’est enfoncé petit à petit dans la folie en prétendant souvent qu’il était Jésus Christ. Il terrorisait tout le monde à Canggu et à Seminyak au point que les clients évitaient les endroits où il avait des passages réguliers, il menaçait les gens, les insultait et s’est fait éjecter de toutes les salles de sport où il continuait à s’entrainer. Il a fait l’objet d’un article dans un journal balinais peu de temps avant sa mort pour avoir proposé à un touriste de lui emprunter sa femme… Tous les amis qu’il avait pu se faire ici se sont écartés de lui au fur et à mesure, il vivait seul et personne n’a pu l’aider à suivre un traitement psychiatrique ou même à être interné. Dans les vidéos amateurs qui ont circulé sur Internet quelques minutes après sa mort, on l’entend clairement dire « Kill me, kill me, I’m god ! »
Il est bien clair que cette personne aurait dû faire l’objet d’une hospitalisation sans consentement mais l’organisation de la prise en charge psychiatrique à Bali (cf. La Gazette de Bali n°59 – avril 2010) est déficiente. Peut-on rendre responsable les autorités balinaises de ne pas interner les résidents étrangers ? Pourquoi les autorités françaises n’ont-elles pas répondu aux sollicitations des autorités balinaises comme la presse locale l’a indiqué ? Est-ce du ressort et du pouvoir des ambassades de mettre tout en œuvre pour empêcher un de leurs ressortissants de semer le désordre ?
Hormis ces quelques questions, il y en a d’autres qu’il est légitime de se poser à la lecture des vidéo qu’on a pu voir sur Internet :
Pourquoi avoir envoyé autant de forces de l’ordre pour arrêter un seul homme ?
Pourquoi ne pas l’avoir simplement neutralisé avec un Taser ou au pire en lui tirant dans les jambes ?
Pourquoi a-t-on entendu une quinzaine de coups de feu alors qu’il n’avait qu’un couteau à la main ?
Pourquoi est-il mort à 80m de l’endroit où la police est venue l’arrêter ?
Pourquoi a-t-on tiré sur lui alors qu’il était déjà agonisant au sol ?
Pourquoi porte-il des chaines aux chevilles quand on glisse sa dépouille dans l’ambulance ?
Pourquoi le résultat de l’autopsie atteste qu’il est mort des suites de coups de couteau qu’il se serait porté au cou ?
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